il faut qu'on parle (hélios)

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Tes doigts glissent sur le volant en cuir, ton pied devient plus ferme sur l’accélérateur. Ton visage est fermé et tu essaies de respirer calmement. Tu as toujours été ouverte d’esprit et tolérante, surtout avec Hélios. Tu n’as jamais jugé ton meilleur ami, tu ne lui as jamais dit que parfois ses pensées pouvaient être inquiétantes, tu sais que tu serais prête à tout entendre de sa bouche. Vous vous dites tout, tout le temps. Ou du moins toi tu lui dis tout, et lui te disait tout. Tu n’as pas de secret pour Hélios, il connaît une infinité de choses sur toi, probablement plus que ton père, probablement plus que quiconque. La seule chose qu’il ne sache pas, c’est ce que tu ressens lorsqu’il est là, c’est la douleur dans le ventre et la chaleur dans les joues. Si la nouvelle était venue de lui, tu ne l’aurais sans doute pas mieux prise mais tu l’aurais mieux accueillie. Là c’était trop pour toi. Un mariage, révélé grâce à un ami commun, un mariage putain ! Une erreur, d’après ce que tu avais eu le temps d’entendre avant de raccrocher, mais même ça, tu avais du mal à le comprendre. Comment se marie-t-on par erreur ? Et depuis quand le cache-t-on à sa meilleure amie ? Tu ne savais pas ce qui te faisait le plus mal : le mariage, ou le mensonge par omission.

Devant la boîte de nuit, tu rentres rapidement, reconnue par le videur. Tu viens régulièrement ici, profiter d’une soirée avec Hélios ou simplement te changer les idées. Tu connais l’endroit par coeur, c’est où te diriger. Tu joues des coudes, suffoques entre tout ce monde et cette nouvelle qui t’oppressent. Tu voudrais les écraser, piétiner tous ces corps transpirants qui se serrent et s’unissent au rythme de la musique qui frappe dans ton crâne. Hélios est là, devant le bar, le plateau dans la main, en train de récupérer des cocktails. Il a l’air le même qu’avant, et pourtant ce n’est pas le cas. Devant toi tu as un Hélios marié. Les mêmes yeux sombres, le même rictus au coin des lèvres. Un sourire se dessine lorsqu’il te voit au loin, perdue dans la foule. Il a l’air surpris, positivement, mais tu n’as pas envie de sourire. Tu n’as pas envie de rire, pas envie de le serrer dans tes bras comme à chaque fois que tu le retrouves. Tout au plus tu pourrais le serrer jusqu’à l’étouffer, ça te calmerait. « IL FAUT QU’ON PARLE ! » Tu hurles en arrivant en face de lui. Parce que c’est le seul moyen pour qu’il t’entende au fin fond de ce vacarme, mais aussi parce que même si vous vous étiez trouvé dans le silence religieux d’une bibliothèque, tu aurais hurlé. Tu le saisis par le bras, sans doute trop fermement, mais c’est ce que tu voudrais, lui ferme mal autant qu’il te fait mal. Tu l’entraînes dans un coin de la salle, là ou les lumières factices laissent place à l’obscurité. « TU T’ES MARIÉ ? » Tu le lâches, laisse tes bras tomber le long de ton corps, résignée. « Tu t’es marié putain. T’as pensé à moi quand tu l’as fait ? Non, évidemment ! Pas une petite seconde, pas un seul instant putain. » Pourquoi aurait-il pensé à toi, au fond ? « Je ne t’aurais jamais fait ça. » Tu te dis que tu ne devrais pas dire ces choses là, mais tu te trouves dans un tel état que tu n’arriveras pas à te raisonner, pas avant de lui avoir dit tout ce que tu as sur le coeur.

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Sofia & Hélios

Nouvelle nuit à bosser, encore…Pourtant, je n’ai pas spécialement envie de bosser, c’est clair. Cette alliance cachée dans la poche arrière de mon jeans semble me brûler le cul et pas d’une façon agréable. J’avais fait quoi bordel ? J’en avais fait des conneries dans ma vie, buvant, me droguant plus que de raison, mais là, j’avais dépassé mes propres limites. Je m’étais marié. Je me suis réveillé aux côtés d’Astrid, une alliance autour du doigt, elle avait la même. Le rapprochement fut vite fait, je m’étais lié à quelqu’un, chose que je ne supportais aisément pas. Mais la vie continuait, je devais bosser et surtout, je devais trouver un moyen de me libérer de cette union faite à la va-vite. Près du bar, je ramasse quelques verres, levant les yeux vers ma collègue qui m’indique un point au loin. Curieux, je tourne les yeux pour voir approcher Sofia, ma meilleure amie. Directement, un sourire s’affiche sur mes lèvres. Un visage familier, un visage que j’aime tant et pourtant, je réalise vite que mon amie ne semble pas d’humeur joyeuse. Je n’avais pas encore trouvé le courage, ni même les mots pour lui annoncer la nouvelle…Alors, lorsqu’elle atterri devant moi, hurlant qu’on doit parler, j’hausse un sourcil interrogateur. « Euh… » Trop tard, elle m’empoigne et me traîne vers l’arrière de la salle, plongés dans l’obscurité, je sens la connerie arriver. Et là, elle explose, parlant de mon mariage, du fait que je n’avais pas pensé à elle, qu’elle, elle ne m’aurait jamais fait ça. Je reste immobile, mon air froid placarder sur mon visage. Elle semble dans tous ses états, je refuse de comprendre pourquoi, même si au fond, je l’ai toujours su. « J’allais t’en parler mais sérieusement, tu voulais que je t’annonce ça comment ! » Que je finis par grogner, la piquant à vif avec mon regard glacial. « J’étais même pas censé me marier ! J’avais trop bu, j’avais pris plus de drogues que d’habitude et le lendemain, en me réveillant, j’étais marié ! » Je ne vois même pas pourquoi je me justifie, je n’ai rien fait de mal, enfin, pas vraiment…C’est la merde, certes, mais ça ne la touche pas directement, si ? « Puis pourquoi tu te mets dans cet état, ton rôle c’est plus de me soutenir et de m’aider, pas de me beugler dessus comme une vache espagnole ! »

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« J’allais t’en parler mais sérieusement, tu voulais que je t’en parle comment ? » Il allait t’en parler. Bien sûr qu’il allait t’en parler, mais quand ? Une fois divorcé ? Une fois qu’il qu’il aurait mis en route des bébés avec sa femme ? Sa femme. Ce mot te dégoûte. Et puis Hélios n’est tellement pas un homme de ce genre là. Hélios, il est comme toi. Il n’aime pas les barrières, il n’aime pas être enfermé dans une relation, devoir rendre des comptes à quelqu’un. Il n’aime pas être tenu de donner des nouvelles de lui tous les jours, ou se justifier s’il a parlé à une jolie fille. Tu sais car vous êtes semblables sur ce sujet. Tu vis dans l’angoisse de connaître le véritable amour un jour, celui qui te poussera à rentrer enfin dans une relation stable, une relation que tu prends soin d’éviter depuis toujours. « Je pensais qu’on n’avait rien à se cacher tu vois. J’ai été assez débile pour croire que tu me parlerais d’un truc assez important ! » Puis il s’explique, te dit que si se retrouve marié à l’heure actuelle, c’est parce qu’il avait trop bu, qu’il s’était trop drogué, qu’il ne se rappelait plus de rien en se réveillant le lendemain. Bref, une histoire digne d’un scénario d’un mauvais film. C’est vrai que ça te rassure un peu de le savoir, mais ça n’enlève en rien ta déception. « Puis pourquoi tu te mets dans cet état, ton rôle c’est plus de me soutenir et de m’aider, pas de me beugler dessus comme une vache espagnole ! » Hélios n’a pas l’habitude qu’on lui tienne tête, parce qu’il est froid au premier abord, qu’il peut inspirer la crainte, et peu de personnes se risquent à l’affronter. Toi, tu t’en fous. Tu l’as déjà vu dans une colère noire, jamais contre toi, mais tu sais très bien que là il est loin d’être à son maximum. Ceci étant, ton but n’est pas de le faire sortir de ses gonds, ton but est d’évacuer la colère que tu as à l’intérieur. Il ose de te demander pourquoi tu es dans cet état, comme si ça n’était pas évident, comme s’il ne connaissait pas l’alchimie qu’il y a entre vous depuis votre rencontre. « POURQUOI ? Mais parce que tu t’es marié putain ! Parce que j’aurais préféré que tu te bourres la gueule avec moi, que tu te drogues avec moi et que tu te maries avec moi, cette erreur là, c’est pas avec une nana sortie de nulle part qu’il faut la faire ! » Tu vas trop loin, tu dis des choses que tu regretteras demain. « Et j’ai pas fini de beugler, crois-moi ! » Tu lui dis avec un regard de défi.

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Sofia & Hélios

Je sais, je sais pourquoi elle se met dans cet état, pourquoi elle réagit avec autant de virulence. Pour dire la vérité, j’aurais réagi pareil, j’aurais sûrement été bien pire qu’elle. Mais je sais aussi que je ne peux rien dire, qu’elle ne peut rien dire. Elle est ma meilleure amie, ma confidente, celle qui me fait vibrer secrètement depuis bien des années. Mais ça, ça reste secret, personne n’en parle, comme si le dire à voix haute serait faire voler en éclat tous ce que nous partagions. Je serre les dents en l’écoutant parler, gardant les yeux fixés sur elle. Ma main, elle glisse dans mes cheveux alors qu’un soupire presque insolent s’échappe de mes lèvres. C’est ma façon de réagit, c’est ma façon d’être, elle le sait, je ne suis pas un homme facile que du contraire. « Tu sais bien que je te dis tout ! Mais là, c’était…différent, moi-même j’ai du mal à le réaliser. » Pourtant, cette alliance, elle est dans ma poche. J’ai beau être ce que je suis, il n’empêche que j’ai des principes, des valeurs. Je ne vais pas jeter cette alliance dans les égouts, je ne peux m’empêcher de la garder dans ma poche même si, au fond, elle n’a aucune réelle valeur. Alors oui, je lui demande ce qu’elle a, ce qu’elle a à beugler comme une vache espagnole. Mes mots sont certes durs, mais au final, je ne l’ai jamais vue se mettre dans un tel état. Des désaccords, nous en avions déjà eu, mais là, elle semble plus mal que de raisons et je n’aime pas ça. Ses paroles, elles te figent, elles te brusquent furieusement. Tu aurais dû te marier avec elle, te droguer avec elle, boire avec elle…elle…Il est vrai qu’avec elle ça aurait été sûrement plus logique, plus facile à assumer, quoi que non, ça aurait été pire encore. La colère, tu la sens ramper en toi comme un serpent venimeux, comme un foutu poison alors que tu prends une grande inspiration. Tu n’as pas envie de te mettre en colère contre elle, pourtant, elle te tape ce genre de choses à la gueule sans vraiment en venir au but. « Putain Sofia ! J’ai rien demandé ! Puis t’étais où ce jour-là hein ? Encore avec je ne sais qui ! Alors me retape pas la faute sur la gueule, si t’avais été là ça aurait été sûrement différent. Puis, merde, tu veux en venir où exactement. Vas-y crache le morceau au lieu de jouer tes caïd de bac à sable ! »

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Il dit qu’il a du mal à réaliser et tu veux bien le croire, mais tu t’en fous. Tu es trop énervée pour songer à ce qu’il peut bien penser, ou comment il peut bien vivre le fait d’être marié, ton ami si sauvage à l’ordinaire. Sous de nouveaux reproches de ta part, il explose, te rendre dedans au figuré, te bouscule sérieusement dans ton amour propre. C’est ton orgueil qui fait la gueule quand tu te rends compte qu’il a raison, tu brodes indéfiniment sans en venir au but. Il ne se met jamais en colère contre toi, il n’y a peut être d’ailleurs que contre toi qu’il ne se met pas en colère et qu’il fait preuve de patience même lorsque le feu qui t’anime vient déranger sa glace. Là, cependant, il perd patience, il semble se lasser de tes palabres et son ton te sort définitivement de tes gonds, c’est ton cerveau qui cesse le pilotage automatique, ton instinct qui prend les commandes.

Un pas pour te rapprocher de lui, un pas pour te rapprocher d’un interdit, tenu à l’écart avec application durant des années. Un pas de trop. D’extérieur, on pourrait croire que tu vas lui en mettre une, que ta main va se retrouver collée à son visage. Mais tu n’en serais pas capable. Jamais tu ne frapperais Hélios, tu le sais, il le sait, c’est gravé dans le marbre. Et pourtant l’idée t'effleure, parce que ce que tu t’apprêtes à faire risque d’être encore plus dévastateur. Ton corps près du sien, ta poitrine tellement collée à son torse qu’il doit sentir ton coeur battre à l’intérieur. Tu fermes les yeux comme pour éviter d’affronter son regard plein d’incompréhension et tu poses tes lèvres sur les siennes, suffisamment fermement pour sentir son souffle chaud contre ta bouche et la rancune que tu y mets, mais assez délicatement pour qu’il sente une tendresse malaisante, et pour interrompre ce baiser volé rapidement. Tu recules, pose tes mains sur son torse et te pousse en arrière, relâchant la pression de ce moment, et tu souris. « On se reverra. Tu m’inviteras à tes noces de coton. Bonne continuation. » Tu ne lui expliques pas ton geste, il n’y a rien à expliquer d’ailleurs. Tu tournes les talons et te dirige vers la foule qui se mélange dans des danses lascives. Boire un verre, rentrer chez toi, tu ne sais pas encore.

» Hélios Hyams
» Dance of death. [Hélios]
» Hélios ➸ La tragédie est la source de toutes choses.