en hommage à toutes les opportunités gâchées (step)

UN. des nouvelles baskets à Noël, un pull à ton anniversaire. rien d'exceptionnel chez les Collins. pas beaucoup de sous. quatre bouches à nourrir. maman, step et les deux petites soeurs. parce-que papa n'est pas là. papa est en prison. il ne sortira pas. pas avant un bon bout de temps. c'est ce que maman t'a dit. un bon bout de temps. t'as juste huit ans quand il est incarcéré et tu sais pas vraiment combien d'années il faut compter pour arriver à un bon bout de temps. puis peu à peu t'as fini par arrêter de compter. parce-que tu t'es rendu compte que finalement votre famille c'était vous quatre. juste vous quatre. sans papa. parce-que c'est mieux parfois de dire que tu n'as pas de papa plutôt que de dire à voix haute qu'il est en prison parce-qu'il a tué quelqu'un. DEUX. t'as passé ta vie à te battre. contre tout et rien. contre les remarques des autres. contre les enfants qui s'en prenaient à tes soeurs. contre le nouveau mari de ta mère que tu détestais. contre les pauvres cons au lycée qui te crachaient à la gueule à cause de ton père. contre les ivrognes qui refusent de virer de ton bar alors que c'est la fermeture. contre toi-même parfois. contre tes principes qui parfois te bouffent et qui t'empêchent d'avancer. contre cette rage qui t'anime dès qu'on parle de ton paternel. contre le mec que tu étais quand tu as décidé de quitter ta mère et la ville dans laquelle tu as grandi. contre cette petite voix qui te dit de ne pas l'approcher. trop jeune, inaccessible. alors tu te bats. sans cesse. jamais fatigué. TROIS. t'es pas un grand sportif. tu vas pas courir. tu vas pas vraiment à la salle. tu fais de la boxe occasionnellement. pas de la vraie boxe. c'est juste que tu te bats régulièrement dans les bars ou en boite contre de parfaits inconnus qui te font chier. tu fais du skate. depuis toujours. t'as commencé à rouler à l'âge de quatre ans. tu préférais le skate au vélo. cette sensation de liberté. les mains libres. ça t'a plu. et t'as passé toute ton adolescence au skate park du coin. bonnet sur la tête. yeux revolvers. QUATRE. tu fumes. un paquet et demi par semaine. poches percées. fric qui s'évapore en même temps que la nicotine s'infiltre dans tes poumons. tu bois. régulièrement. souvent. parfois seul. toujours par envie. pas vraiment de limite. tu refuses de t'en mettre. surtout quand tu ne bosses pas. CINQ. tes petites soeurs sont toute ta vie. tu tuerais pour elles. pierres précieuses. âmes innocentes que tu as toujours cherchées à préserver de ce monde de bruts, de fous. parfois trop protecteur. parfois trop envahissant. ça n'a jamais été tout rose entre vous. mais elles t'ont suivi. la fratrie Collins c'est à la vie à la mort. SIX. t'es parti. t'as pris un sac, des affaires, ton portable et t'es monté en voiture. t'as laissé ta mère derrière toi. sans regret. tes soeurs sont venues avec toi. elles ont dormi sur la banquette arrière pendant que toi tu avais le cerveau qui tournait à mille à l'heure. sur tout le trajet tu t'es convaincu que c'était la bonne chose à faire. mais parfois ça t'arrive de te réveiller en pleine nuit, penser à ta mère. prisonnière de ce nouveau mariage. de ce mari abusif. t'as fait le bon choix, step. il fallait partir. sinon l'un de vous trois n'aurait pas fini vivant. SEPT. réputation de coureur. charmeur. tu te laisses séduire. facilement. tu ne résistes pas. tu ne veux pas résister. tu aimes le plaisir de la chair. tu aimes le contact humain. les femmes qui se glissent dans ton lit. le plus souvent pour une nuit. deux rarement. mais jamais plus. tu ne veux pas t'attacher. tu ne veux pas d'une relation stable. ça t'angoisse. cette peur de décevoir qui te bouffe. alors tu te contentes de les faire rêver pendant quelques heures, dans l'intimité de tes draps. HUIT. une rencontre inattendue. banal, presque. t'es dehors. tu fumes. tes yeux qui déshabillent une fille du regard. encore une. courbes plaisantes. un fin de sourire qui se glisse sur tes lèvres. puis elle se tourne légèrement. tu aperçois son visage. angélique. enfantin. trop jeune. tu jurerais presque. de déception. pas possible. elle doit avoir l'âge de ta soeur. mais elle vient. elle t'accoste, parce-qu'elle a du culot et qu'elle se démonte pas. tu soupires. tu t'empêches de pousser la conversation plus loin. gamine. NEUF. puis elle revient. plusieurs fois. tu la prenais pour un mirage. une apparition de la veille en pleine nuit causée par l'alcool, la nicotine et la fatigue. mais elle est de nouveau là. toujours aussi belle. toujours aussi attirante. tu t'en empêches. tu l'ignores. hors de question que ça aille plus loin. c'est qu'un jeu pour elle. t'es plus mature t'es au dessus de ça. alors tu tournes la tête, tu serres la nana d'à côté, qui met bien en avant son décolleté. vingt-trois minimum. c'est mieux, step. plus raisonnable. DIX. mais bordel, tu ne peux pas t'empêcher de penser à elle. ses lèvres rouges, pulpeuses après qu'elle se les ai mordues. yeux brillants d'innocence et de juvénilité. fais chier.