comme un mégot sur du velours. (coco)

01. famille.
les dents qui grincent, les ongles qui s’attardent sur la surface lisse du tableau qui crisse.
personne sur qui elle puisse compter, personne sur qui se reposer. des corps aux visages dévorés par un point d’interrogation emplit de mystère et de questions abandonnées. la fange comme seule alliée depuis des années, relations tumultueuses entre la mère et l’enfant. génitrice au comportement sulfureux, les mâles qui s’additionnent entre ses draps froissés, entre ses bras aimantés, entre ses cuisses agitées. et la jalousie qui s’évapore par tous les pores, la jalousie qui resserre griffes et crocs autour du cervelas épuisé. la gamine, l’infâme progéniture, l’infante à moitié désiré (dans un moment où elle s’est égaré), elle veut lui prendre ces amants qu’elle est parvenue à dénicher. son bonheur, elle veut lui retirer…
alors les mots âcres s’attardent entre les gerçures de ses lèvres abîmées par les baisers, la haine s’ancre au creux de ce ventre rebondi qui a vu naitre l’engeance démoniaque et l’amour est relégué au fin fond des entrailles oubliées. petite fille qui a dû apprendre à se débrouiller toute seule, dans les squats et dans la rue (son alliée).

02. les mots sulfureux murmurés aux creux de l’oreille vicié. des « je t’aime » qui viennent mourir contre les rivages fait à la serpe de son palpitant déchiqueté alors que la jouissance ultime vient les capturer.
les soupirs et les gémissements nécrosent la langue qui les profère alors qu’elle attise toujours plus le feu dans le sang gâté de ces enfants de satan déguisés. tantôt loups, tantôt fauves, toujours des prédateurs que coco s’amuse à dompter de sa voix de velours, de ses caresses brutales, des tréfonds moites de son être.
elle se donne encore et encore pour obtenir un toit au-dessus de sa si jolie tête d’apparence écervelée alors que les rouages d’un stratagème se mettent en place, poussent les gestes et la manipulation polluée. elle glisse les mains dans les poches des vestons de ces grands hommes qui ne savent se satisfaire de leur épouse vieillissante pour glaner quelques billets à dépenser, un moyen de subsister.
petite catin qui ne fait que jouer, le corps arme létale qui n’attend que de pouvoir goûter à un semblant de normalité.

03. pilules colorées déposées avec délicatesse sur le bout rosé et humidifié de cette chair putréfiée. le verre d’eau qui vient les faire glisser le long de l’œsophage pour venir exploser dans l’acide gastrique.
la nuque qui repose contre le haut du dossier du canapé alors que les paupières viennent cacher les prunelles galatées alors que se détendent lentement les muscles. le rêve éveillé peut débuter.
relents de douleur physique ou psychologique (la vérité se cache derrière le deuxième mot, inavouée) qui finissent par s’effacer pour que ne demeurent que les couleurs criardes et tant adulées par la gamine au cœur dévoré.
chaque jour, chaque heure, sempiternelle habitude qui recommence. le quotidien trop morne, les lumières pas assez vivaces, les goûts trop fades qui disparaissent au profit d’une vie édulcorée, qui pétille de milles fées. nouveau monde qui s’ouvre à elle et auquel elle ne parvient pas à résister…
quand ce ne sont pas les astres colorés transformés sous forme de cachets qu’elle avale par dizaines ou par milliers, c’est l’herbe aromatisée qu’elle a roulé dans une feuille de papier et qu’elle porte à ses lèvres-péchés. et parfois, parfois elle attrape avec avidité une bouteille à peine entamée, glisse ses doigts secs contre la surface fraiche du verre émeraude pour goûter à la brûlure venimeuse du serpent alcool.

04. l’émerveillement. les étoiles qui se mettent à scintiller dans les prunelles aux reflets mordorés. les effets spéciaux qui explosent dans un kaléidoscope de magie sur l’écran étiré du cinéma bon marché créé entre ces ruelles abandonnées. les protagonistes qui vivent sur l’écran d’albâtre une vie imaginée, scénarisée et ô combien enviée par la gamine aux cheveux noirs de jais.
coco, elle a jamais voulu avoir la même chose que les autres. coco, ce qui l’intéressait, c’était pas de devenir actrice à hollywood à vendre son corps pour quelques billets en attendant le succès. feindre des émotions, elle sait faire… mais ça ne parvient pas à l’amuser.
coco, ce qu’elle a toujours désiré, c’est faire la marionnettiste. octroyer des rôles à des acteurs talentueux pour créer tout un monde (son utopie) à travers ces minois qui suscitent l’émois. elle veut transposer sa créativité sur un écran de cinéma, que le respect transpire des lèvres qui proféreront son nom…
le cinéma, une passion.

05. lily coast, patronyme soufflé et scarifié sur la carte d’identité regardée avec un dédain qu’elle ne parvient pas à cacher.
« à quoi ça sert d’avoir réfléchi si fort à mon prénom ? » elle marmonne, enflammée, question-reproche adressé à la marâtre en train de batifoler. elle n’entend pas, maman… ou feint de ne pas entendre.
elles le savent l’une comme l’autre, qu’elles ne s’aiment pas. qu’elles ne s’aimeront jamais. et ce que maman sait et que lily feint d’ignorer, c’est que c’est maman qui a commencé. lily a des milliers d’idées : grossesse non désirée, papa impossible à retrouver…
bébé adopté après avoir été trop bourré, décision hâtée.
bébé volé dans un hôpital où elle n’aurait pas dû se trouver.
la réponse, lily ne l’aura jamais… en attendant, ce prénom comme ce nom, elle ne peut pas les saquer. alors quand elle quitte la ville de son enfance, sa floride tant détestée, elle n’est plus lily coast.
pour ces gamins, ces enfants perdus avec lesquels elle voyage jusqu’au bout du monde (du moins en a-t-elle l’impression), elle n’est que coco. coco nolan. référence à ce grand nom du cinéma qui a toujours su la fasciner, coco chanelle qu’elle n’a jamais cessé d’aduler…
ou deux noms qu’elle a pioché alors que les effets de l’herbe médicinale ingérée dans un space cake à peine acheté venaient de commencer.

06. bêtises cachées aux coins des ruelles délabrées.
la peinture qui colore les doigts, le bout d’une cigarette qui rougeoie du feu qui l’anime alors que la fumée s’élève dans des arabesques en volutes. les cool kids des temps modernes qui hurlent devant les supérettes ouvertes jusqu’à l’aube leur amour les uns pour les autres…
(l’alcool qui aide à se désinhiber.)
les confessions, le cul vissé sur le canapé. l’impression de s’être toujours connus… et de se connaître jusqu’à ce que tout finisse par tomber.
le monde, la balançoire sur laquelle ils viennent se hisser, l’appartement qu’ils viennent s’escalader…
leur vie, qui finira inlassablement par se terminer.
coco artiste qui s’exprime, déchaînement de sa passion sur les murs en briques usées par les années. déchaînement de son chaos intérieur qui s’exprime à travers les bras animés d’une nouvelle volonté, anarchie enlacée à la nuit tombée.

07. l’envie cachée au coin des tripes. les péchés capitaux qui s’accrochent à sa peau comme des aimants. la luxure qui l’habite si régulièrement pour avoir un peu d’argent facile, pour s’oublier le temps de quelques minutes (pour les moins doués) ou de quelques heures (pour ses préférés). plaisir qui déferle par vagues dans son corps-enfant-galaxie. la paresse qui la prend si souvent de se lever, l’envie de demeurer dans le lit et de ne pas bouger… de vivre par l’intermédiaire des films qui se jouent sur son écran, de n’être qu’une âme qui vit sans le corps à devoir rafistoler, écouter. l’envie surtout qui la ronge de l’intérieur, rat s’inventant un labyrinthe entre les organes pour mieux les dévorer. le regard qui s’attarde sur les couples qui évoluent main dans la main dans les rues.
les mirettes-attention qui se posent sur cette famille soudée (en apparence du moins) qui apprécie la brise fraîche dans ce parc déserté.
l’argent qu’elle aimerait avoir en abondance. une autre vie qui lui siérait mieux. n’importe quoi mais ne pas être lily coast, devenir coco nolan, celle qu’elle ne sera jamais dans la réalité mais qu’elle peut s’amuser à inventer à chaque journée. et puis la colère qui la fait fulminer si souvent quand l’esprit part à la rencontre des souvenirs de maman, de cette vie de débauche à laquelle elle l’a si aisément habituée. l’orgueil d’être tout permis puisqu’elle n’est pas elle, puisqu’elle est coco nolan. l’orgueil de tout réussir, surtout quand elle s’introduit chez les gens avec trop de médicaments dans le sang.  l’avarice quand elle sert fort fort son porte-monnaie contre sa poitrine en passant près de ces pauvres sdfs qui crèvent de froid pendant l’hiver… à qui elle aimerait donner, ô oui, si elle était plus riche. et la gourmandise de s’en mettre toujours plus dans les poches, de voler sur les étalages, d’abuser de tout et de tout le monde.
fille-péchés, fille-envie, fille-mortifiée.

08. manoir hanté.
la porte qui grince quand les garçons (dont les visages sont flous à cause des excès) poussent dessus.
« on dirait le château de la bête », elle se dit coco. des fauteuils poussiéreux, un sol qui n’a pas vu de balai depuis quelques décennies semble-t-il. des draps qui recouvrent certains meubles douloureux pour la mémoire et pour le palpitant qui s’engorge de poison lorsque les opales sombres se posent dessus.
maison abandonnée… première idée qui traverse simultanément les caboches de ces jeunes en mal de sensations.
coco a trop abusé. coco ne pouvait plus rester auprès de maman alors coco a pris la route, les bottines usées et les pieds-souffrance d’avoir trop marché. jusqu’à ce que cette voiture accueillant trop de têtes jeunes ne s’arrête sur le bas-côté et ne lui propose de monter.
« je sais pas trop… » elle a pensé à marmonner, à répondre. et puis finalement, elle a gardé les lèvres closes et accepté. il faut prendre des risques, elle le sait ! et puis ses cachets commencent à faire effets… jolies pilules arc-en-ciel dérobées à la marâtre chevronnée. les prénoms échangés avec des sourires que coco a aussitôt oublié.
et cette baraque immense dans laquelle ils veulent se poser. l’adrénaline qui serpente dans les veines mises à mal par les jolies seringues qui sont venues s’y planter. une voix imposante qui gronde dans l’obscurité, les amis enivrés qui s’empressent de s’en aller… et les jambes de coco qui refusent d’écouter. le corps qui chute dans un bruit sourd sur le sol, grains blanchâtres venant se déposer contre la peau fine de ses lèvres sanguines.
et le chantage. l’obligation. l’homme infirme, l’homme handicapé qui lui a dérobé la seule chose qui compte réellement à ses yeux… souvenir d’un temps où maman semblait encore l’aimer. où ça ne comptait pas vraiment parce qu’il y avait mémé. broche dorée, personnification d’un bonheur désuet dont elle est aujourd’hui privée.
la proposition de travailler à ses côtés. le dégoût de cet être de moitié, coco qui n’a jamais pu compter que sur sa motricité pour échapper aux mots-couteaux d’une maman-aigreur. elle voulait pas coco, accepter… mais c’était le seul moyen pour la récupérer. alors elle a hoché la tête, glisse sa part du loyer dans la main vieillissante d’un sebastian-bourreau. et peu à peu, les fauves s’apprivoisent. et peu à peu, il ne lui est plus si douloureux de le regarder… tentatives pour se délivrer de ses chaînes qui s’amoncèlent, frustration des deux parties pour l’attrait des chairs impossible à envisager.
la belle prisonnière de sa bête, qu’elle ne parvient pas à détester pour son comportement odieux, pour ces portes qu’il garde si souvent fermées (vexé). envie de l’aider qui palpite dans le sang alors que les vices continuent de frapper, de la malmener. relation toxique et tragique qui les lie jusqu’à finir par les étouffer.

09. mensonges éhontés.
peu à peu, lily coast commence à s’estomper. coco nolan qui devient un patchwork de vérités réajustées. coco nolan qui n’est jamais semblable à hier, qui ne sera sans aucun doute pas la même que demain. qui c’est, coco nolan ?
c’est un personnage que lily coast invente toujours plus, un passé édulcoré qu’elle ne cesse de réinventer en se persuadant que c’est ce qu’elle a vécu, que c’est réellement son passé. famille aimante qui l’a laissé s’en aller pour expérimenter le monde de ses propres yeux, grand-frère duquel elle est incroyablement proche et qui pourrait tuer si on venait à la blesser.
amis par milliers, hackeuse professionnelle ou avocate spécialisée qui vient de terminer ses études avec quelques années d’avance (surdouée). coco nolan, c’est tout ce que vous voulez… ou tout ce qu’elle aura besoin d’inventer pour vous garder à ses côtés, pour s’insinuer toujours plus dans votre vie bien rangée et y semer un chaos organisé. elle est la veuve noire qui manipule les esprits, l’enfant qui tremble comme une feuille à l’idée d’être à jamais esseulée, de n’avoir personne pour qui compter. qui brûle d’obtenir une attention toujours plus grandissante, qui ne parvient au contraire qu’à lasser avec ces palabres-amour. (tout le monde le sait, on ne suit que ceux qui nous fuient…)
alors coco nolan se construit et se reconstruit pour toujours mieux plaire, museler les côtés les moins plaisants de sa personnalité… les peurs qui la rongent à chaque soirée, qu’elle fait taire de ces pilules dorées qu’elle va souvent dérober. les vices dans lesquels elle s’enfonce toujours plus, sable mouvant dans lequel elle ferait mieux de cesser de bouger.

10. médiocrité.
elle n’a jamais été riche, coco… jamais vraiment pauvre non plus. du moins, maman coast. parce que maman n’a que rarement accepté de partager. la lumière de sa vie à coco, la chandelle qui repousse l’obscurité qui voudrait s’en emparer, c’était mémé.
les pattes d’oie qui donnent à son sourire ce cachet, cette véracité qui n’appartenait qu’à elle.
ces lèvres qui commencent à disparaître un peu trop, dévorées par la gueule béante mais qui réapparaissaient toujours miraculeusement quand elle se mettait à rire.
les veines saillantes de ses mains à la peau trop fine (usée par les années) qui créent la carte de son monde à elles deux.
mémé s’en est allée y’a un peu plus d’une année. avec son départ, le soleil est mort de froid, a fini congelé. alors les ombres sont venues happer coco de tous les côtés jusqu’à ce qu’elle cesse de se défendre… et puis coco s’est trouvé un super-pouvoir : la broche dorée, seul objet qu’elle ait obtenu en souvenir de cet être qu’elle a tant aimé. en la serrant fort fort contre son cœur, en fermant les yeux jusqu’à y créer des stigmates qui ne s’effaceront plus jamais, la lumière renaît.
c’est mémé qui reste à ses côtés…
c’est son cœur qui s’éteint, accro en manque, d’être loin de cet objet si important pour son palpitant déchiqueté.
cassas qu’elle est venue trouver pour oublier le dédain qui brillait dans les yeux de maman quand elle n’avait plus rien d’autre à sa portée que cette femme acariâtre… quand mémé n’était plus là pour l’apaiser. cassas qui saura peut-être la réparer.