so close / cal

cal / noel

c’était sous-jacent cette gueule de bois. ça revenait entre deux ellipses. il avait pas annulé son rendez-vous cal. monsieur wryes. cal. les barrières avaient foutues le camp, je pense, au bout du sixième verre. mais j’oubliais pas pour autant. ses mots. l’expression de son visage. quand il parlait mariage. divorce. paternité. deuil.
mais il était toujours là cal. entre une sexagénaire et ce mec beaucoup trop canon pour venir tout habillé jusqu’à mon bureau. non. c’était pas. logique. pas éthique. pas moral. parce que ces soirées, elles brisaient la routine d’un doigt d’honneur rageur. elles flouaient mon introversion habituelle. c’est ce qui se produit généralement quand on se met à boire. on devient sourd, aveugle et violent. violent étant ici un euphémisme dans mon cas. moi je ne serais pas revenu, pas après cette soirée. parce que j’en avais trop dévoilé et aussi parce que je ne suis pas censé être: son ami. ni même une connaissance. maintenant, il sait très bien que je ne sais pas bluffeur. que je me couche neuf fois sur dix à moins d’avoir une très bonne main. et c’est déjà trop. pas besoin de refaire l’histoire de ma vie en sa compagnie.
et j’vais rien dire s’il passe cette porte. rien de rien. on fera rien que les trucs habituels. il parle, j’écoute. ni plus ni moins que ça. il était bousillé cal, et il avait aussi de quoi payer. moi ça m’suffit. je raccompagne madame fawkes jusqu’à la porte. débarque dans la salle d’attente, penaud. je passe une main sur ma mâchoire comme pour m’assurer de mon rasage à l’arraché du matin. tic qui traduit de ma nervosité alors que je tombe justement sur lui dans le couloir.
sourire. fake. qui s’effrite à hauteur de mes phalanges que je lui propose par politesse mais aussi par bienveillance.
monsieur wryes. que je lance. surpris et pas qu’à moitié. je le dirige jusqu’à mon bureau - ferme naturellement la porte. pour être honnête, je ne pensais pas que vous viendriez aujourd'hui. j’me garde de le tutoyer comme j’ai pu le faire. ça me laisse une marge de manoeuvre. puis, faut pas qu’il prenne trop la confiance, cal, ça serait totalement contreproductif. dans le fond il est comme moi, il a besoin de perdre pied pour retrouver la terre ferme. et j’estime que, quitte à ce qu'il me paie pour mes bons et loyaux services, autant faire le job jusqu'au bout.

cal / noel

putain qu'il peut détester cet endroit, cal. la salle d'attente qui pue le propre, les gens qui vous racontent leurs vies alors que vous n'en avez rien à foutre. comme s'ils étaient les seuls dans ce monde à avoir des problèmes. il les observe du coin de l'œil ces gens, pinçant sa lèvre inférieur, luttant pour ne pas se montrer vulgaire. ils n'en valent pas la peine. et bordel, pourquoi est-ce qu'il était venu d'abord ? main lasse qui traverse ses cheveux, corps qui bascule en arrière comme écrasé par le poids de la fatigue. les surprises, il déteste ça, cal. le contrôle, la domination, c'est ce qui le fait frissonner. alors quand la gueule de son psychiatre s'est ramenée à la table de poker, il a cru défaillir, cal. les choses avaient dérapées, ses secrets lui avaient échappés. il avait pas bronché, cal, les amis des amis sont là pour boucher les trous en général, mais lui, il avait trop à y perdre, merde. noel, il savait des trucs dont personne ne se doutait. il connaissait ses points faibles, ses zones d'ombre, ses échecs. grattage de barbe nerveux, et il avait joué, comme si de rien n'était. il s'était un peu détendu après avoir vu quel piètre joueur de poker il était le psy. le genre à ne pas prendre de risque, à réfléchir longtemps avant de se lancer, la peur de tout perdre au ventre. un froussard. le bout de ses doigts effleurent sa tempe droite qui fait mal. un peu. il a l'habitude cal. puis pendant un instant, il a hésité, à prendre la fuite, à ne pas aller à ce rendez-vous. un coup d'œil sur sa droite, la vieille continue de lui parler alors qu'il s'empresse de se lever et de se diriger vers le couloir. mais il est déjà de retour, l'autre, il se sent pris au piège, cal, mais il n'en montre rien.

pris en embuscade, il lui serre la main, cal. un peu froidement. un sourire crispé, trop faux, fait exprès, pour qu'il comprenne. un rire ironique traverse ses lèvres lorsqu'il le vouvoie. il ne disait pas ça hier soir. qu'il aille se faire foutre. et puis pourquoi il lui lécher les fesses de la sorte ? pour être honnête, je ne pensais pas vous voir aujourd'hui non plus vu l'état dans lequel vous étiez hier soir. pas l'habitude de boire, doc ? alors il attrape un cadre photo par ci, un livre par là. pas envie de s'asseoir. les mains enfoncées jusqu'au fond de ses poches, il se contente de le fixer. bordel, qu'est ce qu'il foutait là déjà ? un avocat avec des sautes d'humeur, qui respecte pas le protocole, c'est dangereux. il doit forcément avoir un problème. et des problèmes, il en a, cal. au fond, il a juste peur comme tout le monde, sauf qu'il essaye de ne pas le montrer. le montrer, c'est se faire baiser. et il a pas envie de se faire baiser, cal. sauf que là, noel il sait de quoi il a peur, il sait de quoi il se cache, ce qu'il fuit, et ça le met à cran ça, cal. on parle de quoi aujourd'hui ? vos piètres qualités au poker ou bien votre problème à respecter les limites avec vos patients ? habituellement, cal, c'est le loup qui chasse sa proie. et là, se sentir comme la proie, ça lui fout les boules. il n'aurait jamais du venir voir un psy, il n'aurait jamais du parler, libérer ses douleurs. il quitte son manteau parce qu'il sait qu'il est là pour un petit moment. comme d'habitude. jusqu'à ce qu'il en ai marre, jusqu'à ce qu'il sente qu'il perd pied. il touche la chaise du bout des doigts avant de s'y asseoir. jambes croisées, cigarette déjà sortie de la poche intérieure de son manteau. fallait que les rôles s'inversent.